Un premier roman éblouissant d’Anthony Marra aux éditions Le Livre de Poche. Une lecture qu’on referme avec la sensation d’être passé dans une essoreuse à salade.
Une constellation de phénomènes vitaux
« En 2004, dans un village de Tchétchénie, Havaa, une fillette de huit ans, cachée dans les bois, voit des soldats russes emmener son père et brûler sa maison. Akhmed, voisin et ami de sa famille, observe lui aussi la scène, redoutant le pire. Lorsqu’il retrouve Havaa, il décide de la mettre à l’abri dans un hôpital abandonné où il ne reste qu’une chirurgienne russe épuisée, Sonja, pour soigner les blessés. Au cours de cinq jours extraordinaires, le monde de Sonja, d’Akhmed et de Havaa bascule. »
Dès les premières pages, nous basculons dans un décor de désolation pendant la seconde guerre en Tchétchénie entre 1999 et 2009. Le roman s’articule principalement autour de :
- Havaa, la petite fille qui grandit dans un pays déchiré. Elle est le témoin pragmatique de la cruauté des hommes, l’image d’espoir pour sa patrie
- Akhmed, le voisin et meilleur ami de son père. Un homme bienveillant qui tente de survivre en donnant le meilleur de lui-même
- Sonja, la chirurgienne, à première vue antipathique et froide, qui cache sous un « vernis terne » les blessures de ses choix pour continuer à soigner.
Viennent s’y greffer de petits satellites dont Khassan, que j’ai trouvé très touchant. Un voisin historien dont le vécu illustre à merveille la censure imposée par l’Union soviétique. C’est un vieil homme admirable dans sa force de conviction et abîmé par une relation complexe avec son fils.
À travers cette histoire, Anthony Marra nous illustre le quotidien en temps de guerre et les moyens de survie de ceux qui restent quand les disparitions sont quotidiennes.
« Même si Havaa ne sut jamais où allaient son père et Ramzan, ni ce qu’ils faisaient, elle comprit au ton de sa mère qu’il s’agissait de quelque chose de plus dangeureux que de retourner, à mains nues, un blini sur le feu. »
Un échange entre Sonja et Akhmed démontre avec force l’isolement et le confinement de la population tchétchène. Akhmed pense que Reagan est toujours président des États-Unis, connaît le nom de Ronald McDonald sans savoir à quoi il correspond et ne comprend pas le système politique d’élection occidentale. Comme si le temps s’était arrêté depuis plus de 20 ans en Tchétchénie.
La plume de l’auteur est pleine de délicatesse et de magie. Par sa poésie et sa dureté, il nous absorbe dans un tourbillon émotionnel où transpire la solidarité, l’impact des décisions de chacun et la détresse d’un peuple sous le feu de la guerre.
Une constellation de phénomènes vitaux d’Anthony Marra est un roman somptueux qui nous pousse dans nos retranchements. Il nous submerge d’empathie pour toutes ces victimes d’une succession de guerres si récentes et terriblement mal connues.
AMBROISIE
J’avais été éblouie par la couverture mais le résumé ne me donnait pas vraiment envie. Du coup j’ai laissé passer, mais vu ton avis je vais le noter dans ma wish list !